J'ignore si je poste au bon endroit...Notre monde peut-il continuer longtemps sur la voix du productivisme et de la consommation exacerbée ? Cette question semble s’être imposée à l’humanité entière. Des réponses à cette question essentielle nous sont proposées chaque jour dans la sphère politique, économique et médiatique. Une voix cependant n’est que trop rarement écoutée, elle nous parvient aujourd’hui du fin fond de la forêt de Bornéo en sursis. Qui saura entendre les enseignements des Penan, l’un des derniers peuples nomades de la planète ?
Je vous propose de prendre connaissances de ce que pensent les Penan de l’île de Bornéo. Ces quelques 20.000 nomades en sursis, ou déjà sédentarisés pour certains, vivent un bouleversement sans précédent de leur environnement. Les leçons qu’ils ont apprises de la vie sont comme un nectar sans prix. Ils nous les transmettent aujourd’hui, à travers 10 enseignements.
1 – Pas de chef chez les PenanCe peuple vit depuis plusieurs milliers d’années sans aucun passé meurtrier. Il a amassé des connaissances incomparables en matière de vie en communauté. Le résultat le plus édifiant de ce mode de vie pourtant millénaire est qu’il n’a besoin d’aucune hiérarchie. Leur structure sociale est basée sur un réseau d’actions individuelles et toujours égalitaires.
Du fait de cette absence de strates sociales, il n’y a pas de spécialistes cherchant à s’élever au-dessus des autres. Bien que des talents particuliers émergent naturellement dans leur communauté et savent être utilement employés, leur mode de vie demande avant tout une autosuffisance au niveau individuel. Chaque personne doit donc être capable de participer à chaque activité.
2 – Les enfants apprennent en participantChaque enfant est immergé dès son plus jeune âge au cœur de toutes les compétences de sa communauté. Il les acquiert ainsi rapidement et facilement. L’apprentissage des jeunes, sur tous les plans, s’effectue donc avant tout par l’exemple et non par l’emploi d’une longue rigueur disciplinaire. Il s’agit là d’un modèle éducatif très efficace que nous commençons tout juste à découvrir et à mettre en place dans certaines rares écoles de nos pays dits développés.
3 – Partager au lieu de posséderLa proximité permanente avec la nature dès le plus jeune âge induit spontanément chez les petits et les plus grands une forte compréhension de la notion d’équilibre et de gestion des ressources. Le partage est ainsi naturellement au centre des motivations quotidiennes. Celui-ci est tellement omniprésent et ancré, que le langage Penan ne comprend pas le mot « merci ». Il est inutile ici tant le partage est une nécessaire évidence entre toutes et tous. Il n’y a pas non plus de réel équivalent au mot « vol ». Ce concept peut néanmoins être appréhendé à travers la plus grande transgression à leurs yeux, qu’ils nomment : échec du partage.
4 – Léguer une nature en bonne santé
Les Penan semblent n’avoir aucune leçon à recevoir du monde moderne en termes de développement durable. Ce récent concept, tant employé en guise de solution face à notre industrialisation, est une évidence ancestrale dans leur « société ». L’exploitation et la consommation du règne végétal et animal sont au centre de leurs préoccupations quotidiennes. Le mot d’ordre parmi eux tient en un verbe central : Molong. Il peut se définir par « ne pas prendre plus que nécessaire ». C’est donc à la fois une volonté de conservation éthique et une notion de gestion des ressources.
Dans les faits, « Molong-er » un sagoutier (sorte de palmier) consistera par exemple à récolter le sagou (matière farineuse) de son tronc sans affecter le système d’irrigation entre l’arbre et ses racines. Il s’agira également de ramasser les fruits d’une plante plutôt que de la récolter entière. Il invitera aussi à ne prendre que les plus grandes tiges de rotin pour les besoins de fabrication de leurs habitations et à laisser les plus petites afin qu’elles puissent atteindre la maturité requise l’année suivante. Au final, léguer une nature en bonne santé imprègne chacune de leurs actions journalières, car cet acte est vu comme le seul moyen capable de subvenir à leurs besoins futurs.
5 – La terre propriété partagéeDu fait de leur mode de vie, de leur éducation, de leur structure sociale et de leurs valeurs centrales, le concept de propriété et de terrain est absent de leurs communautés. Loin d’être des nomades sauvages se déplaçant à travers une nature tout aussi sauvage, les Penan voient l’ensemble de la forêt comme leur foyer. Il s’agit pour eux d’un réseau complexe et vivant de lieux économiquement et culturellement significatifs liant le passé, le présent, et les futures générations. Ce qu’il pensent à ce sujet :
Cette terre est sacrée. Elle appartient aux incalculables êtres qui y sont morts, au peu qui y vivent, et aux multitudes qui vont y naître.
Quant aux notions de propriété, de nation et de gouvernement :
Comment un gouvernement peut affirmer que toute une terre lui appartient, quand il y a eu des peuples qui utilisaient ces terres avant que le gouvernement lui-même existe ?6 – L’agriculteur : un obligé écologique responsable de la terreL’agriculture est absente chez ces peuples de chasseurs-cueilleurs. Cependant, sous la pression du gouvernement malaisien et des entreprises d’exploitations forestières, beaucoup de Penan sont poussés à la sédentarité. Ils restent néanmoins fidèles à leurs valeurs en ne confiant la gestion de leur agriculture qu’à ceux qui travaillent directement la terre tous les jours et qui respectent les obligations écologiques allant de pair.
7 – Culture et nature sont indissociables
Pour les nomades, la sédentarisation implique automatiquement le sacrifice de tout leur savoir et de cette culture de vie en harmonie avec la nature. La sensibilité envers la nature est pour eux une conséquence de la proximité avec le monde végétal et animal. L’Humain prend soin de la nature, laquelle le lui rend bien. Les Penan voient l’homme moderne qui s’en est éloigné. Pour eux, cet éloignement de la nature menace aujourd’hui notre survie.
8 – L’écologie au quotidien, partout, tout le tempsEn écoutant les Penan, il devient évident qu’ils n’ont besoin d’aucune éducation ou campagne de sensibilisation envers l’écologie. Ces centaines d’hommes, de femmes et de familles démontrent au quotidien l’état d’esprit qui est nécessaire pour retrouver une plus grande harmonie à la fois envers notre environnement, mais également dans les moindres aspects de notre vie en société. Ils nous permettent de réaliser qu’ils sont des pionniers en termes d’humanité, un dernier repère, et que nous n’avons en fait rien inventé en parlant d’écologie, de permaculture, d’agriculture raisonnée, ou de préservation des eaux et forêts. Les Penan montrent l’exemple de ce qu’est la vie d’un véritable éco-village en mouvement.
9 – La santé est dans l’assiette, le médicament dans la natureChaque Penan sait reconnaître une centaine de plantes comestibles et une cinquantaine de plantes médicinales. Il sait les préparer et les employer chaque jour de manière préventive et curative. Il a appris très tôt à manger à sa faim, une sensation naturelle qu’il sait encore reconnaître.
Il consommera donc ce qui correspond à son réel besoin du moment, ni plus ni moins. Montrez à un Penan l’assiette que vous vous apprêtez à manger : il sera désolé pour vous et comprendra instantanément les maux physiques et psychologiques par lesquels notre société peut être affectée. Il s’absentera ensuite poliment pour aller chercher de quoi se nourrir dans la forêt.
Parlez-lui de médicaments, et, sans connaître Hippocrate et ses enseignements, il vous expliquera que les plantes et la nature sont leur première médecine. Il s’étendra éventuellement sur le Panadol (un médicament antidouleur) qui leur est donné par le gouvernement et sur le fait que, plus ils en consomment… plus ils sont malades.
10 – Vie sédentaire et démographie galopanteCe sujet se montre plus alarmant. La démographie des Penan a toujours été relativement stable au cours de leur histoire, ce qui leur permettait de vivre selon des rapports équilibrés avec leur environnement. Elle s’est mise à augmenter de manière croissante depuis qu’ils ont été forcés à s’orienter vers la sédentarité.
Cela vient donc illustrer une cause majeure de l’explosion démographique humaine à l’échelle de la planète. Notre espèce fut à l’origine une espèce nomade, ce qui la poussait à vivre de manière plus simple et modérée. Le confort et la sécurité apportés par la sédentarité, certes appréciables, ont eu pour conséquence directe de provoquer la démographie galopante que nous connaissons actuellement. L’exemple des Penan sur ce sujet démontre qu’il n’y a d’autre choix pour l’humanité que de fortement modérer sa vie sédentaire et tous ses effets. Notre avenir exige de revenir en arrière.
Comment intégrer ces enseignements dans notre vie moderne ?
Finalement, le plus grand cadeau des Penan est de nous offrir la possibilité d’un dialogue, d’un questionnement, entre les deux modes de vie extrêmes que sont le leur et le nôtre. Il ne s’agit pas de revivre comme eux, mais plutôt d’une invitation à regarder le monde qui nous entoure pour mieux considérer chacune de nos actions à travers leurs yeux à eux.
Il convient cependant de préciser que l’exemple de vie harmonieuse que nous offre ce peuple est tout autant en danger que l’est la nature par laquelle ils sont entourés. Le chiffre de leur population nomade diminue à la même vitesse que la déforestation et la suppression de leur habitat. La Malaisie détient en effet le triste record du plus haut taux de déforestation depuis l’an 2000 avec une disparition des terres boisées supérieure à la superficie d’un pays comme le Danemark…
Texte original sur voie-nature.com par ATMAN, auteur de «Espèce d’abrutis, ou le réveil de l’humanité»
La sagesse s’acquière et se cultive à l’écoute de ceux qui vivent sans rien attendre d’autre que le droit de continuer de vivre sur cette planète, tout simplement.
Photos et 1 vidéo sur le site
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