Quelques Bardits des Bardes Gallois:
Les Rameaux:
"Pendant les longues nuits l'océan est bruyant, le tumulte est le fruit du combat,
le mal et le bien ne font point bon ménage.
Pendant les longues nuits la montagne est bruyante
le vent siffle dans la cîme des arbres
les méchants ne cherchent pas le bonheur
Le rameau vigoureux du bouleau à la tête verte tire mon pied de ses entraves
ne confie point un secret au jeune homme
Le rameau vigoureux du chêne des forêts
tire mon pied hors de ses chaînes
ne confie point un secret à la jeune fille
Le rameau vigoureux du chêne feuillu
tire mon pied de sa prison
ne confie pas un secret au bavard
Le rameau vigoureux de la ronce couverte de mures
arbrite le nid du merle
jamais le merle ni le conteur ne se taisent
Il pleut au dehors mon abri est étroit la bruyère jaunissante
le panais maigre - Dieu roi du Ciel
pourquoi as tu crée un pleureur comme moi?
Il pleut au-dehors mes cheveux sont humides
le malade gémit la montagne est à pie
l'océan sombre la mer salée
Il pleut au-dehors il pleut dans l'océan
le vent siffle dans la cîme des roseaux."
-Llywarch-Hen-
Les Splendeurs:
"-Brilllantes sont les cîmes des Frênes. Ils sont grands et blancs
quand ils croissent auprès du torrent.
Longue est la douleur d'un coeur malade.
Brillante est la falaise à l'heure longue de minuit.
Tout homme travailleur doit être honoré.
c'est le devoir de la femme de lui donner le sommeil après son labeur.
Brillante est la cîme du saule, joyeux le poisson dans le lac.
Le vent siffle sur les hautes branches.
Les dons de nature valent mieux que l'instruction.
Brillantes sont les tiges de bruyère. Aie confiance dans le sage et repousse l'insensé.
Il n'y a de devin que Dieu.
Brillante est la feuille du trèfle. Le timide n'a pas de courage.
Les jaloux se consument eux-mêmes.
D'ordinaire les soucis sont le propre du faible.
Brillante est la tige de roseau. Furieux est le jaloux,
il est rarement heureux.
C'est le propre du sage d'aimer avec sincérité.
Brillante est la crête de la montagne. Dans les tempêtes de l'hiver.
fragiles et courbées sont les grandes herbes.
Contre la faim, il n'y a pas de pudeur."
-Llywarch-Hen-
Incantation:
"-Quand ton père allait à la chasse
le javelot à la main, l'épieu sur l'épaule.
il parlait ainsi à ses chiens bondissants:
-Prends! Tiens! Pille! Apporte, apporte!-
Il eût tué un poisson mort comme un lion tue en sa fureur.
Quand ton père allait à la montagne.
il apportait une tête de daim,
une tête de sanglier, une tête de cerf,
une tête de coq de bruyère tacheté,
une tête de poisson de cascade de Derven.
De tous les animaux que ton père atteignait avec sa lance,
sangliers, lions ou renardeaux,
pas un ne s'échappait s'il n'était pourvu d'ailes.
Quand il revenait, seul, de quelque expédition,
nul chef n'était plus terrible,
nul ne fut plus intrépide que lui dans une salle,
nul ne fut plus débonnaire dans un combat.
Son cheval venait du gué de la Clyde, au bout de la rivière.
Comme sa renommée s'étend loin, comme son armure était puissante!
Avant que le gazon ne recouvrît Gweir le Grand,
ton père mérita mainte coupe d'hydromel de la main des fils de Mervach."
-Aneurin-
Incantation pour Owein:
"-Très jeune il eut le coeur d'un homme,
il fut vaillant dans les combats,
un coursier vif à longue crinière
sous sa cuisse, tout jeune et fameux.
Un bouclier large et léger
couvrait la croupe fine du coursier,
son épée grande et bleue étincelait,
ses éperons d'or brillaient.
Ce n'est pas moi qui te donnerai
mécontentement.
Je ferai de mon mieux pour toi et pour chanter ta gloire.
Plus tôt la terre but le sang,
que toi le vin du banquet,
plus tôt les corbeaux reçurent pâture
que les lances ne furent brandies.
Owein, doux compagnon,
ton corps disparaît sous les corbeaux.
La tristesse est dans le pays où fut tué le fils de Marcho."
-Aneurin-
Source: « Les Grands Bardes Gallois » traduite par Jean Markale au éditions Falaize en 1953.