J'ai une histoire à vous raconter, celle d'un secret de Polichinelle pour les travailleurs saisonniers de l'allée des pins, hautement touristique, dans le village d'Argelès-sur-mer.
A Argelès, la population est multipliée par 10 l'été et beaucoup de travailleurs saisonniers sont requis pour faire fonctionner l'activité économique. Ce qu'on ne leur dit pas, s'ils n'ont pas la curiosité de se balader et de lire les monuments aux morts, c'est que la station balnéaire a été construite à l'emplacement du camp d'Espagnols ayant fui la guerre avec Franco. Parqués dans des conditions inhumaines dans le froid de l'hiver en bord de mer, nombre sont morts. Il y a aujourd'hui une plaque commémorative discrète entre deux campings pour le signaler.
Je ne savais rien de tout cela quand j'ai commencé à y travailler pendant mes études. Mais pourtant j'ai été témoins et même victime de nombreuses manifestations paranormales.
Il y avait la première boutique dans laquelle je travaillais, la plus chargée. Les djembés empilés étaient projetés de la base vers le côté, faisant tout tomber, comme si une main d'enfant les poussait. Les vendeuses se blessaient quand des objets leur tombaient dessus. Nous avons commencé à investiguer avec ma chef de l'époque et avons découvert l'histoire de cet endroit.
Il y a eu cette cliente qui nous a dit que dès qu'on se retournait, le lourd miroir accroché au mur dans les cabines d'essayage se soulevait, et retombait dès qu'on le regardait.
Il y a eu ces symboles religieux retrouvés dans la réserve. Comme si quelqu'un essayait d'apaiser des esprits. Et puis il y a eu ce soir où ma chef m'a expliqué avoir rêvé de jumelles, des enfants. Nous étions dans les cabines d'essayage. Quand j'ai demandé si les esprits présents étaient deux, quelque chose a tapé deux fois dans les murs. Nous avons sursauté. Je suis partie dans la réserve. La porte a claqué sans intervention et s'est verrouillée. La lumière a explosé et des cartons me sont tombés dessus. J'ai fini par parvenir à sortir, terrorisée.
Suite à ça nous avons fait intervenir un prêtre et un magnétiseur. Ce dernier est intervenu après que j'ai fait sans raison, dans la force de l'âge, des symptômes cardiaques inquiétants. Épuisée, j'ai eu besoin de la prière de libération du magnétiseur pour me remettre enfin.
Nous avons une année travaillé dans une autre boutique. Dans celle-ci c'était une femme, espagnole typique aux longs cheveux noirs ondulés, que j'ai vue dans le miroir alors que j'étais seule. A un autre moment, je suis allée dans la réserve. La porte s'est verrouillée, j'ai demandé si quelqu'un était là. Une voix de femme m'a répondu "Entrez" et la porte s'est ouverte. Quand je suis sortie, j'étais seule dans la boutique. Cette présence était bien moins toxique que celle de l'autre boutique.
Les années passent et je me souviens de tout ce que j'ai vécu. Mais surtout, de cette réputation de hantise de l'allée toute entière. Chaque magasin avait ses histoires de fantômes et personne n'aimait l'idée de se faire de l'argent dans un tel lieu. Mais dans le département, c'était l'endroit qui recrutait le plus.
Aujourd'hui j'évite les lieux. Avec mon ancienne chef, nous nous sommes recueillies sur le monument aux morts entre les deux campings. J'ai toujours une pensée régulière pour cet endroit et pour le besoin de prière qu'il concentre. On ne lui rend pas justice.